Karl Marx

Le livre du salaire

1847

Il ne s'agit que de brouillons contemporains de Travail salarié et capital et conçus comme la suite, intitulée "Salaire". Dans les Grundisse il sera fait appel souvent à la nécessité d'un "livre sur le salaire" dont on donne le plan plus loin. On peut voir dans ces notes son esquisse se dessiner (Éditions sociales, Annexes de Travail Salarié et capital p43).


Déjà expliqué : La marchandise vénale travail se distingue d'autres marchandises en particulier par sa nature périssable, par l'impossibilité de l'accumuler, et par le fait que l'offre ne peut être augmentée ou diminuée avec la même facilité que pour d'autres produits.

C'est moins la consommation absolue de l'ouvrier que sa consommation relative qui fait le bonheur ou le malheur de sa situation. Une fois dépassée la consommation nécessaire, la valeur de notre jouissance est essentiellement relative.

1. Quel est l'effet de l'accroissement des forces productives sur le salaire ?

Machines : division du travail.
Dans la concurrence des ouvriers avec la machine, il faut remarquer que les ouvriers travaillant à la main (par exemple les tisseurs de coton à bras) souffrent encore davantage que les ouvriers de machines occupés directement dans la fabrique.
Le travail est simplifié. Ses frais de production moindres. Il devient meilleur marché. La concurrence des ouvriers entre eux grandit.

...

Concurrence des ouvriers entre eux, non seulement du fait que l'un se vend meilleur marché que l'autre, mais parce qu'un seul fait le travail de deux.
L'accroissement des forces productives en général a pour conséquence :
a) Que la situation des ouvriers empire relativement à celle des capitalistes, étant donné que la valeur des jouissances est relative. Les jouissances elles-mêmes ne sont pas autre chose que des jouissances, des relations, des rapports sociaux.
b) L'ouvrier devient une force productive de plus en plus exclusive qui produit le plus possible dans le moins de temps possible. Le travail qualifié se transforme de plus en plus en travail simple.
c) Le salaire dépend de plus en plus du marché mondial, de même la situation de l'ouvrier.

...

Chaque développement d'une nouvelle force productive est en même temps une arme contre les ouvriers. par exemple, toutes les améliorations des moyens de communications facilitent la concurrence des ouvriers en divers endroits et font d'une concurrence locale une concurrence nationale, etc.

L'abaissement des prix de toutes les marchandises, ce qui d'ailleurs, n'est pas le cas pour les moyens de subsistance les plus immédiats, fait que l'ouvrier porte des haillons rapiécés et que sa misère porte les couleurs de la civilisation.

2. Concurrence entre les ouvriers et les employeurs.

a) Pour déterminer le salaire relatif, il faut remarquer qu'un thaler pour un ouvrier et un thaler pour un employeur n'ont pas la même valeur. l'ouvrier est obligé de tout acheter de plus mauvaise qualité et plus cher. Son thaler ne commande ni autant, ni d'aussi bonne marchandise que celui de l'employeur. l'ouvrier est obligé d'être un gaspilleur et d'acheter et de vendre contre tous les principes économiques.

Il nous faut remarquer en général que nous n'examinons ici qu'un seul côté, le salaire lui-même. Mais l'exploitation de l'ouvrier recommence dès qu'il échange à nouveau le fruit de son travail contre d'autres marchandises. Épiciers, prêteurs sur gage, prêteurs à domicile, tout le monde l'exploite encore une fois.

b) Ayant le commandement des moyens d'occupation, l'employeur a le commandement des moyens de subsistance de l'ouvrier, c'est-à-dire la vie de celui-ci dépend de lui ; de même que l'ouvrier lui-même ravale son activité vitale à un simple moyen d'existence.

c) La marchandise-travail a de grands désavantages par rapport à d'autres marchandises. Pour le capitaliste, il n'y va dans la concurrence avec les ouvriers que du profit, pour les ouvriers, il y va de leur existence.

Le travail est de nature plus périssable que les autres marchandises. Il ne peut être accumulé. l'offre ne peut pas être augmentée ou diminuée avec la même facilité que pour d'autres marchandises.

d) Règlements de fabrique. Législation de l'habitation. Truck-system (paiement des ouvriers en marchandises), tout en laissant sans changement son salaire nominal.

3. Concurrence des ouvriers entre eux.

a) Suivant une loi économique générale, il ne peut y avoir deux prix du marché. Sur 1.000 ouvriers de même habileté, ce ne sont pas les 950 occupés qui déterminent le salaire, mais les 50 qui sont inoccupés.
b) Les ouvriers se font concurrence non seulement parce que l'un s'offre à meilleur marché que les autres, mais aussi parce qu'un travaille pour deux.

Avantage de l'ouvrier célibataire sur les ouvriers mariés, etc. Concurrence entre les ouvriers de la campagne et les ouvriers des villes.

4. Fluctuations du salaire (Fluctuation de la demande, crises )

Elles sont provoqués :
1. Par les changements de mode.
2. Par les changements de saison.
3. Par les fluctuations du commerce.

a) En cas de crise :

L'ouvrier réduira ses dépenses ou, pour augmenter sa production, il travaillera un plus grand nombre d'heures ou produira davantage dans le même temps. Mais comme leur salaire est réduit, du fait que la demande du produit qu'ils fabriquent a baissé, ils augmentent encore le rapport défavorable entre l'offre et la demande et la bourgeois dit alors : si seulement les gens voulaient travailler. Du fait de leur surmenage leur salaire s'abaisse donc encore davantage.

b) Au cours de la crise :

Absence complète d'occupation. Réduction du salaire. Maintien du salaire et diminution du nombre des jours de travail.

c) Dans toutes les crises, le mouvement cyclique suivant en ce qui concerne les ouvriers :

L'employeur ne peut employer les ouvriers parce qu'il ne peut pas vendre son produit. Il ne peut vendre son produit parce qu'il n'a pas de preneurs. Il n'a pas de preneurs parce que les ouvriers n'ont rien à échanger que leur travail et c'est précisément à cause de cela qu'ils ne peuvent échanger leur travail.

d) Lorsqu'on parle de hausse du salaire, il est à remarquer qu'il faut toujours avoir en vue le marché mondial et que la hausse du salaire est acquise à ce prix seulement que dans d'autres pays des ouvriers sont privés de pain. [?]

5. Minimum du salaire (Reproduction)

Le salaire journalier que touche l'ouvrier est le profit que rapporte à son possesseur sa machine, son corps. Y est incluse la somme qui est nécessaire pour remplacer l'usure de la machine ou, ce qui revient au même, pour remplacer les ouvriers âgés, usés, par de nouveaux.

...

Si le salaire a une fois baissé, il ne remonte jamais à son niveau antérieur ; le salaire absolu et le salaire relatif.

...

Au cours du développement de la grande industrie, le temps devient de plus en plus la mesure de la valeur des marchandises, c'est-à-dire aussi la mesure du salaire. En même temps, la production de la marchandise-travail devient toujours meilleur marché et coûte de moins en moins de temps de travail au cours du développement de la civilisation.

Le paysan a encore des loisirs et il peut encore gagner quelque chose à côté. Mais la grande industrie (non pas l'industrie manu-facturière) supprime cette situation patriarcale. Chaque mois de la vie, de l'existence de l'ouvrier est ainsi de plus en plus intégré dans ce trafic sordide.

6. Propositions pour y remédier
Caisses d'épargnes, instruction, Malthus, Rossi, Assistance publique, Proudhon, Weitling
 


7. Les associations ouvrières (Unification de la classe ouvrière)

Un des thèmes de la théorie de la population était de vouloir diminuer la concurrence parmi les ouvriers. Les associations ont pour but de la supprimer et de la remplacer par l'union entre les ouvriers.

Ce que font remarquer les économistes contre les associations est juste :

1. Les frais qu'elles causent aux ouvriers sont, le plus souvent, plus grands que l'augmentation du gain qu'elles veulent obtenir. A la longue, elles ne peuvent résister aux lois de la concurrence. Ces coalitions entraînent de nouvelles machines, une nouvelle division du travail, le transfert d'un lieu de production dans un autre. En conséquence de tout cela diminution du salaire.

2. Si les coalitions réussissaient a maintenir dans un pays le prix du travail de façon que le profit baisse considérablement par rapport au profit moyen dans d'autres pays, ou que le capital fût arrêté dans sa croissance, la stagnation et le recul de l'industrie en seraient la conséquence et les ouvriers seraient ruinés ainsi que leurs maîtres, car telle est, comme nous l'avons vu, la situation de l'ouvrier. Sa situation s'aggrave par bonds lorsque le capital productif s'accroît, et il est ruiné à l'avance lorsque le capital diminue ou reste stationnaire.

3. Toute ces objections des économistes bourgeois sont, comme nous l'avons dit, justes, mais justes seulement de leur point de vue. S'il ne s'agissait vraiment dans les associations que de ce dont il s'agit en apparence, notamment de la détermination du salaire, si les rapports entre le capital et le travail étaient éternels, ces coalitions échoueraient impuissantes devant la nécessité des choses. Mais elles servent a l'unification de la classe- ouvrière, à la préparation du renversement de toute l'ancienne société avec ses antagonismes de classes. Et de ce point de vue, les ouvriers se moquent avec raison des malins pédants bourgeois qui leur font le compte du coût de cette guerre civile en morts, blessés et sacrifices d'argent. Celui qui veut battre son adversaire ne va pas discuter avec lui les frais de la guerre. Et ce qui prouve aux économistes mêmes combien les ouvriers ont le cúur généreux, c'est que ce sont les ouvriers de fabriques les mieux payés qui forment les premières coalitions et que les ouvriers emploient tout ce qu'ils peuvent économiser, en se privant, de leur salaire pour créer des associations politiques et industrielles et couvrir les frais de ce mouvement. Et si messieurs les bourgeois et leurs économistes, les prestidigitateurs philanthropes, sont assez bons pour consentir à ajouter au minimum de salaire, c'est-à-dire au minimum vital un peu de thé ou de rhum, de sucre et de viande, il doit, par contre, leur sembler aussi honteux qu'incompréhensible de voir les ouvriers comprendre dans ce minimum un peu des frais de la guerre contre la bourgeoisie, et trouver dans leur activité révolutionnaire même le maximum des jouissances de leur vie.

8. Côté positif du salariat
Productivité, temps libre, délivre des anciens liens de dépendance, démythifie toutes les fonctions, liberté.

Avant de conclure, il faut encore attirer l'attention sur le côté positif du salariat.

a) Lorsqu'on dit côté positif du salariat, on dit : côté positif du capital, de la grande industrie, de la libre concurrence, du marché mondial, et le n'ai pas besoin de vous expliquer que sans ces rapports de production, ni les moyens de production, ni les ressources matérielles pour la libération du prolétariat et la création d'une nouvelle société n'auraient été créés, ni le prolétariat n'aurait entrepris lui-même son union et son développement qui le rendront vraiment capable de révolutionner l'ancienne société ainsi que lui-même. Compensation du salaire.

b) Prenons nous-mêmes le salaire dans ce qu'il a de plus condamnable, à savoir que mon activité devient une marchandise, que je suis entièrement à vendre.
 



Annexe

Plan du livre du salaire dans les Grundisse

Fondements I.
 


Fondements II